Tu n'as aucune envie de sortir de ton canapé, ça se devine à ta façon de regarder l'horloge. Ta lèvre supérieure sursaute dans un élan de dégoût. Il est trop tôt pour s'enfermer dans un bureau et discuter de choses ennuyeuses comme des chiffres ou des histoires de droits. Tu vas, pour la première fois de la semaine, mettre un pied hors de chez-toi. Quitte à devoir sortir, tu préfères que ça soit pour t'amuser.

Tu réussis enfin à t'échapper de ce petit nid confortable. Debout sur tes pieds, tu pousses un énième soupire et monte en direction de ta chambre. Tu as besoin de vêtement. Elrond est ton ami, mais cette réunion est avant tout professionnelle, malheureusement. Tu attrapes un t-shirt. Celui déchiré sur les côtés et que ton fils déteste, car ce n'est pas adapté à ton âge. Mais toi, tu l'aimes bien. Il laisse passer l'air et sa couleur bleue marine te sied. Tu enfiles le premier jean ajusté que tu trouves dans le bordel qu'est devenue ta chambre, et redescends dans le salon. Tu attrapes un paquet de gâteau pour le goûter et prends la route en direction du bureau de ton ami.

Tu y vas à pied, comme à ton habitude. C'était une des raisons qui t'avaient poussé à choisir cette ville : sa taille était parfaite, assez grande pour être vivante, mais te permettant quand même de te passer de ta voiture pour la plupart de tes déplacements. C'est un confort de vie auquel tu tiens. Tu marches, les bras croisés derrière le dos et le nez en l'air. Ca te donne une allure de petit vieux faisant sa promenade quotidienne, bien que tu te tiennes droit. Tu glisses ton index et ton pouce dans ta poche, afin d'extirper le paquet précieusement gardé. Tu l'ouvres d'un coup sec, et mords à pleines dents dans le petit gâteau. La chaleur (enfin, la chaleur écossaise est relative.) a déjà fait fondre les pépites qui te tachent le visage et les doigts de chocolat.

C'est ainsi barbouillé que tu débarques chez ton éditeur. Tu connais bien l'endroit et ne te perds guère dans les formalités. Tu te plantes devant la porte et tu toques, de trois coups secs, avant de coller ton visage à la surface en bois. « Devine qui c'est, Elrondinounet. Allez, ouvre-moi. » Si la première partie a été dite sur un ton mielleux (et d'une voix forte, afin d'en faire profiter les badauds), la suite ressemble étrangement à un ordre. Mais tu aimes bien jouer à la diva avec ton ami, cherchant à tester les limites de sa patience.